Scènes de la vie de Papa Maman Fiston

Troisième tome, en couleurs, de l'univers de Papa Maman Fiston et de Maman amoureuse de tous les enfants
Parution prévue à l'automne 2021.
Extraits dans la revue Nicole n°9 et n°10 des éditions Cornélius.

Exposition à la Librairie La Mauvaise Réputation à Bordeaux, du 8 septembre au 9 octobre 2021, dans le cadre du Festival Gribouillis.

Il s’agit principalement, dans ce troisième tome, des effets de l’âge sur les personnages de PAPA MAMAN FISTON. Non pas seulement de la vieillesse, mais aussi de la jeunesse, car le temps coule ici dans tous les sens ; manière de s’intéresser au « réalisme intérieur » vécu par eux, plutôt qu’à la seule réalité extérieure.

Dans le premier récit (DANSE DE JEUNESSE ET DE VIEILLESSE) il est fait mention, de la manière la plus vague, de certains pays d’Europe du Nord. Cela me vient de l’enchantement provoqué par la lecture de certains romans de Hamsun et de Vesaas. Naturellement je ne me suis pas documenté, continuant d'avoir l’impression que c’est en faisant jouer mon imagination (avec ses limites) et ma mémoire (avec ses défaillances) que je peux faire au mieux. Je réessaie périodiquement de travailler d’après document, pour constater presque toujours que l’attention en ressort diluée, l’énergie et la précision du trait amoindries, etc. J’ai pourtant utilisé des documents dans l’histoire mettant en vedette Hector Cruchon (HISTOIRE DE MA MOUSTACHE), dont les mensonges me semblaient réclamer une variété dépassant mes ressources.

Le début de QUAND J'ETAIS SIMPLE D'ESPRIT date du premier tome de Papa Maman Fiston. Initialement il aurait dû s'agir de « strips » en trois images, dont chacune était réalisée isolément, dans des carnets. Il apparut par la suite que les réduire pour les assembler en bandes les aurait rendues illisibles ; j'ai donc finalement composé des planches, sur lesquelles j'ai ajouté un lavis.
En commençant cette histoire, je ne savais pas que le personnage était Papa, mais bientôt il parut évident que c'était lui, dans une sorte de vie parallèle. Il en est de même pour beaucoup des « dessins libres » qui figurent dans ce livre : en cours de dessin il m'apparaît que ce encore les mêmes personnages, seulement plus jeunes, ou vivant une autre vie, découvrant tels nouveaux traits de caractère, etc. J'aime intégrer ces pistes et l'enrichissement qu'elles fournissent, et qui donne parfois lieu à de nouveaux développements en bande dessinée.

L'ensemble de « gags » intitulé SCENES DE LA VIE DE PAPA MAMAN FISTON, un peu dans la tradition des « pages du dimanche » américaine (ou des albums de gags à la sauce franco-belge, puisque le nombre correspond à peu près), répond à une ambition fort simple, et à résultat fort incertain : pouvais-je aller jusqu’à évoquer la prise d’âge et la dégénérescence des personnages, sans dérobade, mais sans perdre la joie qui me semblait être, le cas échéant, l’élément de réussite de mon travail ? (Joie que j’ai à le faire ; joie que les personnages éprouvent à vivre.) Mon idée était un travail qui réussirait à embrasser ce sujet de sorte à le retourner pour en faire voir le côté lumineux. Je ne sais pas en fait si réellement il n’y a pas eu dérobade de ma part, et si un certain aspect imagé des choses n’a pas seul empêché une vue trop sombre. Il est possible que je sois moins ambitieux au moment du dessin qu’à celui des intentions premières ; ou que, dessinant, je parvienne à me contenter de certaine qualité d’attention dans lequel le dessin plonge le dessinateur, et qui pourrait être satisfaisante en effet si elle était durable. Quant à satisfaire la « partie pensante de la pensée », c’est sans doute plus difficile ; sauf à parvenir l’étouffer complètement (on peut toujours rêver), ou peut-être quotidiennement, en dessinant sans cesse.

Les tulipes de Cruchon sont en hommage aux Rubayats d’Omar Kayam, dans la traduction d’Armand Robin.

Je m'avise qu'un des thèmes récurrents de ce tome, outre la prise et la déprise d'âge, est celui d'une sorte d'amnésie, qui revient jusque dans la dernier récit LES ASTRES. C'est en effet un thème que j'ai eu plaisir à traiter, peut-être parce qu'il permet les recommencements (il permet le plaisir de faire se rencontrer plusieurs fois les personnages), voire la réparation des erreurs. Il n'est pas si éloigné finalement des résurrections de Papa dans le premier tome. 

*

Comment se fait-il que tout soit à la rigolade dans ces planches et qu’en même temps j’y sois sérieux ? Pourquoi, désirant être profond, me retrouve-je à être plus grossier que je ne le souhaiterais d’abord ? J’adopte presque toujours mes premières idées, même quand de prime abord elles me paraissent catastrophiques ,et que ma première réaction soit de penser : « Je ne vais quand même pas faire ça ! » Mais insensiblement j’oublie ma réticence et l’idée se retrouve illustrée. Peut-être y a-t-il aussi là l’effet de ma confiance en ceci : qu’on peut tout contrebalancer par un traitement subtil ; et que, même, il puisse être important de faire jouer la subtilité dans un environnement qui n’oublie pas d’inclure ce qui lui est opposé. Il me semble que toute idée grossière peut être contrebalancée, rectifiée, renversée même par un apport de subtilité, et, dans mon cas, notamment du côté du dessin. Cela m’intéresse, car le renversement ainsi opéré ne me paraît pas « suspect » comme pourraient me le paraître de « trop bonnes intentions » au niveau de l'idée initiale : une douceur qui pourrait être douceâtre...

Pour ma part, l’obsession pour la sexualité dans certaines de ces pages m’a parfois paru excessive. Car d’abord on peut se dire : « Bien sûr, on peut parler de tout sans problème » ; mais après un certain temps il semble qu’on approche de « l’excessivement excessif », excessivement répétitif. C'est comme une limite qui se déplace chaque fois qu’on la franchit. Cependant, si l'auteur n’impose pas ces idées, mais qu’elles s’imposent et se réimposent à lui, sans doute est-il en droit de les prendre en compte. Après tout, que serait une harmonie qui se refuserait à intégrer un élément (la répétitivité) parce qu’il risquerait de la briser ou de la rendre « moins harmonieuse » ? Sous cet angle tout paraît admissible, même si le courage de l’auteur a sans doute ses limites.

Je pense souvent que je préférerais faire un travail plus « confortable » pour moi, c’est-à-dire qui me concernerait d’un peu moins près ; mais d’un autre côté je ne peux non plus souhaiter faire un travail qui passerait outre aux questions sensibles, ce qui me semblerait être équivalent au pur et simple mensonge ; sauf à imaginer une autre alternative, celle où l’auteur deviendrait tellement irréprochable (éventuellement, par l’opération de son travail), qu'une mise à découvert ne saurait plus provoquer aucun malaise. C'est cette dernière option, bien sûr, qui est la plus désirable, et qui correspond certainement à une part du désir de perfectionnement chez beaucoup d'artistes, sinon même chez l'être humain en général. Je ne le trouve pas du tout risible, quoi qu’il faille aussi sans doute accepter de « partir du point où l’on en est », aussi mal commode cela soit-il, si l’on veut se mettre en chemin.

Je dois souvent me coltiner avec l’impression que mon travail est « limite », ce qui me désole, car cela semble me condamner à ne pas pouvoir assumer mes résultats ; ou, du moins, à ne le pouvoir que par instant, lorsque je me sens de nouveau raccord avec les impressions qui étaient miennes au moment de la réalisation. Un froncement de sourcil extérieur a tôt fait de faire disparaître ces certitudes, et le travail est alors pour longtemps irregardable, semble n’être plus qu’une preuve des défauts graves de l’auteur… Peut-être pourtant certaines idées-limites ont-elles un rôle à jouer ; il me semble parfois qu’elles visent à innocenter ou en tout cas à expliquer, à rendre accessibles à l’émotion et donc à la compréhension, certaines attitudes « limites » elles aussi et qu’on pourrait, peut-être, avoir tendance à condamner d’une façon trop rapide.

D'autres fois je me dis : « Tiens, comme ce serait amusant de faire un récit à partir de telle idée incongrue, impossible - si hélas elle n’était impossible… » Puis : « Au fond, pourquoi serait-ce impossible ? » Un certain nombre de ces pages ont eu ce point de départ.

2020 - 2021

 



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